dimanche 6 octobre 2013

Poche : Arrive un vagabond - Robert Goolrick

Le dernier roman de l'écrivain américain Robert Goolrick, Arrive un vagabond, sera disponible en format poche le 7 novembre, aux éditions Pocket.

C'est au cours de l'été 1948 que Charlie Beale arriva à Brownsburg. Il était chargé de deux valises — l'une contenait quelques affaires et des couteaux de boucher, l'autre une importante somme d'argent.
Charlie y tomba deux fois amoureux. D'abord, il s'éprit de cette ville paisible de Virginie dont les habitants semblaient vivre dignement, dans la crainte supportable d'un Dieu qu'ils avaient toutes les raisons de trouver plutôt bienveillant à leur égard. Une preuve parmi d'autres : il n'y avait encore jamais eu de crime à Brownsburg.
La deuxième fois que Charlie tomba amoureux fut le jour où il rencontra Sylvan Glass.

Voici ce que j'en disais en août 2012, lors de sa parution en grand format aux éditions Anne Carrière :

Gorge serrée, larmes aux yeux, comme si l'on venait de nous égratigner le cœur.

Les dernières pages du nouveau roman de Robert Goolrick sont bouleversantes et marquantes, à l'image d'une montée en puissance qui prend son élan dès les premières pages du livre.

« Je vais vous raconter une histoire. »

Les plus beaux contes commencent par "il était une fois". L'aventure d'une chanson ou d'un roman débute souvent avec un titre qui vous envoûte dès que vous en prenez connaissance. Un peu comme Une Femme simple et honnête, Féroces et Arrive un vagabond. Ce dernier titre choisi pour la traduction française des éditions Anne Carrière est assez éloquent en la matière.

Encore une fois (je l'évoquais déjà après ma lecture d'une Femme simple et honnête) il crée ici une sorte d'écho à l'histoire d'Amelia Evans, héroïne de la romancière Carson McCullers que l'on découvre dans la Ballade du café triste. Un peu comme si ces romans évolués dans un univers commun.

On y respire les premières flagrances d'une mélancolie et d'une passion enivrante, qui va de fil en aiguille nous oppresser. Ce parfum ne nous quittera jamais et il persistera au-delà de notre lecture. Ces trois mots, arrive un vagabond, sont le point de départ d'une histoire retentissante, le moment où les choses semblent encore figées. Comme dans une histoire racontée oralement, c'est le moment où l'on prend une grande respiration avant d'aborder l'un des éléments déterminant de l'histoire. Comme une ponctuation dans la présentation du cadre. L'arrivée de l'incarnation du destin. Le Destin de Brownsburg, avec deux valises.

Arrive un vagabond est une histoire que l'on a tous pu connaître dans nos vies. Celle d'un amour qui nous habite soudainement sans prévenir et qui nous quitte sans aucune promesse d'avenir. Cette passion amoureuse consumant Charlie et la belle Sylvan, va hanter la vie de ses acteurs et témoins. Un coup de foudre qui rassemble deux âmes abîmées et fait de nous des témoins privilégiés, comme le deviennent les  fabuleux personnages secondaires de l'histoire tel que le petit garçon Sam et ses parents, la formidable couturière Claudie et même le chien Jackie.

Robert Goolrick ne se contente pas d'habiller ses personnages. Avec l'efficacité qu'on lui connait, il leur insuffle la vie et les nourrit pour les faire grandir. Il évoque des gens simples qui aspirent à vivre sobrement en s'efforçant de profiter des jolies choses mises à leur disposition. Il va dès le début brandir au dessus de leurs têtes une immense épée de Damoclès. Une menace perceptible en début de roman tel une simple brise, annonciatrice d'une grande tempête à venir.

Comme dans ses précédents livres, Robert Goolrick évoque le romantisme et la poésie des choses simples avec des mots simples. Une écriture qui devient partition, où chaque mot devient une note. Une symphonie à la fois magique et tragique, qui délivre dans sa dernière partie un crescendo, une montée orchestrale qui va tout souffler sur son passage, brutalement s'arrêter en nous laissant groggy, sonné, et seul.

J'ai rarement éprouvé cette sensation de lire et donc de vivre une œuvre capitale, et j'ose l'écrire,  monumentale. La précédente fois, c'était avec le magnifique Julius Winsome de Gerard Donovan.

Quand je referme Arrive un vagabond,  je comprends sans aucun doute possible, que j'ai en main un livre qui a vocation à devenir le joyau des bibliothèques de mes contemporains. Dès maintenant et pour les années à venir.

Frédéric Fontès, 4decouv

samedi 5 octobre 2013

La Voie de la colère t.1 - Antoine Rouaud (Bragelonne)

Le premier roman de la série La Voie de la colère, sera disponible le 31 octobre prochain. Le Livre et l'Épée que l'on doit à Antoine Rouaud, sera publié par les éditions Bragelonne. Une belle manière de fêter les morts, non ?
On nous promet une œuvre magistrale, à suivre...

Dun-Cadal fut un jour le plus grand général de l’Empire, avant sa chute. Il raconte son histoire à une jeune historienne qui vient le trouver dans la taverne où il s’enivre pour oublier. L’officier lui révèle comment il fit chevalier le garçon qui lui sauva la vie. Durant les derniers instants chaotiques de l’empire, son protégé le trahit… Lorsque des sénateurs se font exécuter, Dun-Cadal reconnaît la marque de l’ancien assassin de l’Empire, qu’il a lui-même formé…

Frédéric Fontès, 4decouv

mercredi 2 octobre 2013

Bien mal acquis - Yrsa Sigurdardóttir (Anne Carrière)

Le nouveau roman d'Yrsa Sigurdardóttir est disponible depuis le 26 septembre aux éditions Anne Carrière. Il est traduit de l'islandais par Catherine Mercy.

Un meurtre a été commis dans une ferme récemment rénovée. Une ferme qui avait la réputation d'être hantée. L'avocate Thóra Gudmundsdóttir est engagée par le propriétaire, principal suspect dans l'affaire, pour le représenter. Son enquête fait bientôt resurgir à la lumière le passé macabre de l'endroit.

Bien mal acquis consacre le retour de l'attachante avocate Thóra dans un nouveau thriller aussi astucieux que terrifiant. 

 Frédéric Fontès, 4decouv


lundi 30 septembre 2013

Proteus - Louis Raffin (Glyphes)

À paraitre le 10 octobre prochain, le premier roman de Louis Raffin, Proteus, publié par les éditions Glyphes.

“Proteus : dieu grec qui vivait dans une île ; il pouvait changer d’apparence et prédire l’avenir.”

Axel Woodstone, jeune professeur d’économie, reçoit une proposition insolite : superviser l’installation d’un matériel expérimental qui va transformer une île méconnue de l’océan Indien en vitrine du futur.
C’est le projet Proteus.

Axel devra gérer la mise en place de cet équipement pour qu’il soit accepté sans réticence par les habitants de l’île. Mais les choses seront moins simples que prévu et Axel devra redoubler d’efforts, jusqu’au jour où un étrange incident viendra bouleverser sa mission.
Ce roman d’action, solidement documenté, nous projette avec réalisme dans un futur proche où le progrès technique réduit toujours plus le besoin de main-d'œuvre, devenue inutile ou trop coûteuse.
Saura-t-on mettre fin à cette « chasse à l’homme », avant qu’il ne soit trop tard ?


Vous pouvez pré-commander le roman directement au près de l'éditeur en cliquant ICI.

Frédéric Fontès, 4decouv

Entretien avec Antoine Tracqui (2-3)

Deuxième partie de l'interview consacrée à Antoine Tracqui pour son roman Point Zéro. La précédente série de questions est disponible ICI.

5/ Frédéric Fontès : Comment expliquez-vous que ce genre soit si rare en France ? C'est difficile de faire une liste mais on arrive presque à une petite dizaine de noms : Marin Ledun (Zone Est), Gilles Haumont (L’Origine du mal) , Guillaume Lebeau (Pentagone), Philippe Cavalier (Le Siècle des chimères), Yal Ayerdhal (Transparence) ou Aurélien Molas (Les Fantômes du Delta).

Antoine Tracqui : Alors là, j’ai un peu honte de mon inculture, parce qu’à part Ayerdhal je n’ai jamais entendu parler de ces messieurs !! (du coup j’implore leur indulgence). C’est marrant, parce que les noms qui me viennent à l’esprit quand je pense au (techno)thriller à la française, c’est plutôt l’immense Maxime Chattam, Franck Thilliez, Cédric Bannel ou, pourquoi pas, Maurice G. Dantec tout au moins à ses débuts.
Franck Thilliez
Pourquoi, en comparaison du polar ultra-représenté, le genre est-il si rare en France ? J’ai bien ma petite idée, mais il m’est assez difficile de la développer sans me lancer dans des considérations politiques qui risqueraient de m’aliéner une partie de mon lectorat... Essayons néanmoins : trop ricain ? trop militariste ? trop scientiste ? trop tourné vers la réussite individuelle et la consommation effrénée d’énergies fossiles ? (horreur ! pas un seul bâtiment basse consommation dans Point Zéro !!) pas assez soucieux des débats sociétaux, des minorités (forcément opprimées) ou du commerce équitable ?... Ajoutons à cela - je sais, je me répète, mais c’est quelque chose qui me gave profondément ! - cet a priori négatif que nous autres Français avons souvent à l’égard du progrès scientifique...
Débat à suivre dans lequel j’éviterai d’en dire plus, tout en soulignant que de mon point de vue perso les littératures de l’imaginaire doivent être avant tout populaires (c’est-à-dire divertissantes et sans prise de tête, en d’autres termes des « romans de gare » ou des « romans de plage », dénominations qui pour moi n’ont rien de péjoratif, bien au contraire !) et pas nécessairement vectrices d’un quelconque message pédagogique...


6/ FF : Je me trompe ou peut-on sentir l'influence des comic books dans certains de vos personnages, je pense en particulier à celui qui fait écho à Tony Stark ? D'ailleurs, peut-on savoir pourquoi vous ne citez qu'une partie du nom de ce personnage, qui a vraiment existé ?
Iron Man, alias Tony Stark, par Don Heck

AT : Bien vu, mais ça ne se limite pas aux comics : je suis un grand amateur de BD en général, d’ailleurs j’en lis de plus en plus alors que pour les bouquins c’est le contraire ; la raison en est simple : depuis quelques années et surtout depuis que j’ai commencé à écrire, je n’ai plus beaucoup de temps à consacrer à la lecture (une demi-heure tard le soir avant de faire dodo, en moyenne...). A ce régime, difficile de se lancer dans des pavés style Point Zéro (simple exemple !), d’autant que je déteste saucissonner ma lecture par tranche de 50 pages quotidiennes ! Une BD par contre, c’est juste la longueur qu’il faut pour bien finir la journée...
Question genres BDesques, je suis extrêmement éclectique ce qui explique le volume de ma collection (60 cartons au dernier déménagement !) et les récriminations quotidiennes de Madame quant à l’espace vital dont ça nous prive... en gros ça va de la Métamorphose de Kafka version image (c’est Delcourt qui a osé) aux Sales blagues de Vuillemin, en passant par Riad Sattouf (ah... Pascal Brutal !), Ben Templesmith (peut-être mon dessinateur de comics préféré) ou les jubilatoires Doggybags du Label 619... A partir du moment où ça saigne et qu’il y a des gros mots, en général je suis preneur.

Certains de mes héros, indéniablement, ont subi cette influence. Par exemple :

- pour Poppy, j’avais déjà signalé dans une autre interview sa filiation avec Yiu, de Téhy et Vee. A la réflexion, j’en vois au moins deux autres : la très sexy Jakita Wagner de Planetary et la non moins talentueuse Carmen Mc Callum ( ), qu’on ne présente plus (au fait... ne serait-ce pas une cousine de Caleb Mc Kay ????). Dans les deux cas des brunes plutôt pas commodes, plus douées pour le massacre à la hache que pour les conversations mondaines... il suffisait d’ajouter un catalogue fourni d’obscénités, un peu de crasse ainsi que quelques relents de bourbon et de vomi, et le plat est servi ! 

Jakita Wagner
- au physique, One-Shot alias Vassili Hautamäki s’inspire d’un des Fantastic Four (devinez lequel !), mais aussi d’un personnage de Stormwatch : Team Achilles (certes pas la plus connue des suites de l’univers Stormwatch/Authority), le délicat Jukko Hämäläinen - également un colosse finnois couvert de cicatrices ; cependant ceux qui ont lu ce comics conviendront avec moi que la ressemblance s’arrête là...

Jukko Hämäläinen
- quant au général Iazov, il doit beaucoup (y compris dans la scène où nous faisons sa connaissance !) à l’une des premières BD de Bilal, Partie de Chasse ( ici )... j’ai littéralement adoré le personnage très shakespearien de ce vieux général soviétique, un véritable salopard impitoyable, mais qui à la toute fin de son existence va faire le geste qui sauve, celui grâce auquel l’univers monstrueux qu’il a contribué à créer ne va pas devenir pire encore. Pour moi c’est vraiment un très grand chef d’œuvre, qui depuis de nombreuses années trône à la place d’honneur de ma bibliothèque... et j’ai beaucoup de mal à imaginer Iazov autrement que le vieux type que l’on voit sur cette couverture !

Pour ce qui est enfin du personnage qui vous fait penser à Tony Stark, désolé cher Frédéric mais vous vous êtes trompé d’une génération... en fait il fallait citer Howard Stark, le père du susnommé (celui qu’on voit jeune dans le film Captain America et qui, pour le coup ( indice ), ressemble comme deux gouttes d’eau au personnage historique qui nous intéresse). Quel personnage ?? Allons... encore un effort : multimilliardaire / cinéma / chapeau / gros avions / Las Vegas / mort reclus et comme un clodo... ça ne vous dit vraiment rien ???
Ah oui... cette histoire de prénom... là, désolé, je ne peux rien dire car c’est un private joke entre moi et mon éditeur que j’aime. Mais l’explication viendra peut-être (ou pas) dans le tome 2 ou le tome 3 !


7/ FF : Comment parvient-on à associer avec une aussi belle réussite autant d'ingrédients sans que cela soit indigeste pour le lecteur ? C'est fluide, les fins de chapitre sont pleines de suspense et vous passez allègrement d'un fait historique à des explications scientifiques sans oublier la parfaite caractérisation des personnages. Et tout cela dans un premier roman. Épatant ! Je crois qu'il y a plein de gens qui souhaitent connaître votre secret...

AT : Bon, alors là je suis un peu fatigué et vu que le copier-coller c’est très utile dans ce genre de situation, je vous engage à aller ici (réponses 3 et 6).

Suite et fin de l'entretien ICI.

Frédéric Fontès, 4decouv

vendredi 20 septembre 2013

Chronique : La Quête - Robert Lyndon (Sonatine)

Présentation ICI
La Quête. La Claque.

Ce premier roman de Robert Lyndon, La Quête, bah vous savez quoi ? C'est simplement l'un des romans incontournables de 2013. Voilà, c'est une belle entrée en matière, non ?

Cet ambitieux roman de 926 pages nous plonge dans une incroyable épopée. Une Quête qui devient, dès les premières pages tournées, celle du lecteur.

Passionnant de bout en bout avec une narration exemplaire des personnages très très très attachants. On a le cœur lourd en découvrant les destins tragiques de certains et en tournant les dernières pages.

Impossible de reposer le livre tellement les liens noués avec ses êtres de papier sont forts. La preuve, quand on arrive à la fin, on se sent prêt à repartir avec eux pour 900 pages.

Une mention concernant la traductrice Elodie Leplat qui a fait un sacré  travail afin de trouver les termes adéquates convenant à la fois à l'époque et aux lexiques dédiés par exemple aux faucons ou à la navigation.

La Quête de Robert Lyndon, publié par les éditions Sonatine, va indéniablement marquer l'année 2013 de son empreinte.

Ami(e)s lecteurs qui suivez ce blog , attendez vous à être chamboulé !

Bonne lecture.

Frédéric Fontès, Quêtedecouv ;)




mercredi 18 septembre 2013

Chronique : Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire - L.C. Tyler (Sonatine)

Présentation ICI
L.C. Tyler est un romancier très malin. Si, comme moi, vous avez dévoré son précédent roman (Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage), cela ne vous surprendra pas.

Mais justement, c'est l'objectif principal de L.C. Tyler :  vous surprendre à nouveau.

Même si on peut parfois ressentir une sorte de claustrophobie voir d'inertie, ce second opus des enquêtes de Ethelred Tressider et Elsie Thirkettle est une nouvelle petite pépite.

Pas la peine d'essayer de savoir où vous emmène l'auteur, il a toujours un coup d'avance. Il sait ce que vous allez dire, ressentir et penser. Il joue avec son lecteur comme il joue avec ses personnages.

On peut même dire qu'il intègre son lecteur dans l'équation. À chacune de vos questions, de vos froncements de sourcils, il vous offrira une réponse en bas d'une page, ou à la fin d'un chapitre. Vous allez même finir par peut-être croire que l'auteur est dans les parages, à guetter vos réactions...

L.C. Tyler nous offre même une jolie conclusion qui nous permet de voir les deux romans d'un nouvel œil. C'est très malin de sa part.

Lien lalibrairie.com : ICI

Frédéric Fontès, 4decouv


dimanche 8 septembre 2013

Entretien avec Antoine Tracqui (1-3)

Point Zéro, premier roman d'Antoine Tracqui, a été publié le 23 mai dernier, aux éditions Critic.

Et je suis simplement en dessous de la vérité si je me contente de dire que j'ai passé un moment incroyable en m'immergeant dans ce roman.

J'ai eu hâte de pouvoir le chroniquer afin de partager mon enthousiasme (chronique à lire ICI) mais j'ai également éprouvé l'envie irrépressible d'en savoir plus sur ce livre et son auteur.

Je me suis donc décidé de contacter l'éditeur et l'auteur pour tenter l'aventure de l'interview. J'ai l'immense plaisir de vous présenter la première interview de 4decouv et le privilège de partager avec vous ces questions -réponses qui devraient vous en apprendre un peu plus sur la genèse de Point Zéro.


1/ Frédéric Fontès, 4decouv : Je me rends compte (en ayant cherché ici et là sur le net) que l'on en sait très peu sur vous. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous expliquer ce qui vous a poussé à entreprendre l'écriture de ce premier roman ?


Antoine Tracqui
Antoine Tracqui : Tout d’abord, un grand merci pour l’intérêt que vous avez bien voulu porter à mon travail ! Pour la bio, ce sera bref vu que je préfère de loin parler de mon bouquin que de moi-même, et que je suis totalement réfractaire au personal branding ; alors voilà, je suis médecin légiste de mon état, et ça fait pas mal d’années que j’exerce à l’Institut médico-légal de Strasbourg, ainsi qu’à la Fac de médecine toute proche où je suis enseignant. Mon redoutable boulot inclut la réalisation d’autopsies et d’examens de victimes vivantes (eh oui... en médecine légale on voit 10 vivants pour un mort !) ; en prime je suis aussi toxicologue analyste (quézaco ? facile : si vous décédez, mettons par exemple d’une overdose au Viagra® - si, si, ça existe -, c’est moi qui me chargerai d’analyser vos prélèvements (sang, urines, contenu gastrique,... miam miam !) pour voir ce qu’il y a dedans... en gros ça me permet de ricaner deux fois, la première quand je découpe votre cadavre et la seconde quand je découvre ce que vous avez avalé).
Oups, je m’aperçois que j’ai oublié de vous donner mon âge : canonique, bien sûr (mais comme chez quelques-uns de mes héros, il s’agit d’une donnée toute... relative).
Ainsi que je l’ai déjà indiqué dans une précédente interview ( c'est là ! ), j’ai toujours eu envie d’écrire, aussi loin que je me souvienne. Quant aux personnages de Point Zéro (ainsi qu’un certain nombre de scènes d’action, d’ailleurs), ils étaient en gestation depuis déjà  quelque temps avant que je ne me lance. En cours d’écriture - après avoir atteint ma vitesse de croisière, au bout d’une demi-douzaine de chapitres -, je me suis dit qu’en fin de compte ce n’était pas si difficile, et que j’aurais dû m’y mettre bien plus tôt... mais a posteriori, je réalise que c’est faux : en fait ce n’est pas l’auteur qui choisit le moment du passage à l’acte, c’est sa création, peu à peu nourrie de ses expériences et de ses aspirations, qui décide pour lui - et pour cela il faut qu’elle ait acquis suffisamment de substance, une sorte de masse critique qui déclenche l’accouchement du texte...
Bon sang, on n’en est qu’à la première question et je parie que vous vous demandez déjà si je rajoute des trucs dans mon pure malt... (la réponse est non, le 16 ans d’âge ça se boit straight).

2/ FF : Une chose frappante quand on commence à lire Point Zéro, c'est le nombre impressionnant d'éléments qui s’enchaînent pour former l'intrigue du livre. Pris indépendamment, ces éléments auraient pu servir de carburant à autant de romans différents. Ça me fait penser à un ami scénariste qui avait reçu un très bon conseil de la part d'un de ses collègues : « Si tu veux écrire un diptyque ou une trilogie, mets toutes les bonnes idées que tu as dans le premier tome, ne garde rien. De nouvelles idées viendront par la suite. » On peut dire que vous avez fait plus que suivre ce conseil à la lettre, non ? On imagine l'immense documentation que vous avez dû rassembler.

AT : Le conseil est effectivement des plus pertinents, surtout pour un premier roman où il faut absolument mettre le paquet pour espérer retenir l’attention d’un éditeur ; ça ne veut pas dire que pour le suivant on a le droit de se reposer, bien sûr... mais assurément, une fois que votre premier bébé est dans les rayons des librairies (et qu’en plus, comme dans mon cas, il a eu le bonheur de susciter quelques réactions positives), vous vous sentez un peu plus en confiance pour la suite des événements...
On m’a déjà fait plusieurs fois cette remarque à propos du très grand nombre d’éléments qui s’enchaîneraient façon « horlogerie », ou « mécanique bien huilée », etc... Désolé, il n’y a aucun super-pouvoir là-dessous, en fait ça tient à ma manière particulière d’écrire. J’ai lu quelque part qu’il y a fondamentalement deux types d’écrivains (ça porte même un nom, mais j’ai oublié !) : en gros, le type qui planifie tout dès le départ, itinéraires, timings à la seconde, rebondissements prévus huit chapitres à l’avance, et surtout qui sait où il va ; et celui qui part à l’aventure, sans idée préconçue, qui laisse ses héros choisir leur chemin et qui n’a pas la moindre idée de comment le voyage va se terminer. Clairement j’appartiens à la première catégorie (avant même d’avoir écrit les premiers mots de Point Zéro j’avais déjà rempli un épais cahier de notes préparatoires avec lignes chronologiques, bio des personnages, tables de conversion d’unités ou de fuseaux horaires, etc !...) ; c’est peut-être moins glamour que de se laisser pousser par le vent, mais à mon avis plus efficace... du moins pour écrire ce type de roman ! Quant à la documentation technique, elle a effectivement été conséquente (rien que sur Wikipedia qui représente mon premier niveau de recherche avant d’aller creuser plus profond, j’ai consulté un peu plus de 1700 pages !), mais c’est sans doute la partie du boulot à laquelle j’étais le mieux préparé du fait de ma formation - en tout cas celle qui m’a paru la moins ardue...

3/ FF : Il est impossible, en lisant votre livre, de ne pas penser à Jules Verne, et à des auteurs qui ont marqué l'univers du techno-thriller moderne [Michael Crichton, Douglas Preston & Lincoln Child (Ice Limit, le Piège de l'Architecte, Deep Storm), Robert Ludlum (La Trilogie Bourne), John Darnton (Néandertal), Steve Alten (Goliath, Mégalodon), Craig Thomas (Mission Firefox), Carl Sagan (Contact), etc.].  Dites-nous quels sont les auteurs et les livres qui vous ont donné envie d'écrire dans ce genre particulier.

C’est drôle, avant que vous ne me fassiez cette remarque il ne me serait jamais venu à l’idée de citer Jules Verne parmi mes pères en littérature : trop daté, voire ringard, auteur pour enfants, illisible pour les adultes, etc... (ah... ces pages entières de nomenclature zoologique infligées au lecteur, sans aucune pitié, dans Vingt mille lieues sous les mers). Et pourtant, vous avez entièrement raison :

- d’abord parce qu’entre l’âge de 8 et 15 ans, j’ai probablement dû lire (que dis-je : dévorer !) tout Jules Verne ; pas seulement les grands classiques, mais aussi des pépites moins connues style Un drame en Livonie ou Le pays des fourrures...

- ensuite parce que je reste, aujourd’hui encore, fondamentalement imprégné par la pensée scientiste (ou plutôt le positivisme scientifique) qui imprègne l’œuvre de Verne (il est évident que ma formation universitaire me pousse dans le même sens, mais sans doute celle-ci a-t-elle été influencée par celle-là). Voilà, entre autres raisons (cf. question 5), pourquoi je me sens plus à l’aise avec les auteurs anglo-saxons de SF ou de thrillers (qui assument volontiers une vision positive du progrès scientifique, même s’ils ne s’interdisent pas la critique à l’occasion) plutôt qu’avec leurs homologues français (où la critique est souvent plus systématique, pour ne pas dire de principe).

Jules Verne par Nadar
Pour en terminer avec Jules Verne, deux de ses héros m’ont tout particulièrement marqué : Nemo, bien sûr, et aussi le capitaine Hatteras. Chez les deux (en fait c’est le même bonhomme, décliné de deux manières différentes) on retrouve la même hybris, la même posture prométhéenne, la quête à laquelle tout doit être sacrifié et qui, sans nul doute, vous consumera aussi, la froideur, le cynisme, l’arrogance et la certitude, poussée jusqu’à la folie, d’avoir raison envers et contre tout... J’adore ce type de personnages - d’une certaine manière, on peut dire que Kendall Kjölsrud est leur fils spirituel !
En ce qui concerne les auteurs plus modernes, merci de m’avoir mâché le travail en ne citant que des gens que j’aime bien (à part peut-être le regretté Sagan, que je préfère comme vulgarisateur (Cosmos), que comme romancier (Contact)), et qui ont tous contribué à me faire aimer le techno-thriller. Je me permettrai d’en ajouter quelques-uns :

- d’abord et surtout, l’immense Clive Cussler ; même si j’accroche un peu moins avec les nouvelles séries estampillées Cussler mais pour l’essentiel écrites par d’autres (Paul Kemprecos, Jack du Brul...), il reste pour moi le maître absolu, tant sur le fond que sur la forme. Autant dire que lorsqu’au détour d’un blog je découvre qu’un chroniqueur (sans doute ivre-mort !) me présente comme « le digne successeur de Clive Cussler », rien que ça, je me sens comme touché par la grâce !!

Projet Méduse de John J. Nance
- dans la veine « techno-thriller archéologique », David Gibbins (Atlantis, le Masque de Troie, et plus récemment Pharaon que je n’ai pas encore eu le temps de lire)... un super auteur, également, et dont les thèmes de prédilection ne sont peut-être pas sans rapport avec ce que je suis en train d’écrire en ce moment (hé hé... je n’en dirai pas plus !!!)

- Tom Clancy, évidemment, qui m’a fait aimer le techno-thriller géopolitique (voilà pourquoi il me fallait absolument Vladimir Poutine comme guest-star...)

- pour les amateurs de sous-marins (j’en fais partie !) : Michael DiMercurio (Coulez le Barracuda !, Opération Seawolf, La dernière torpille...)

- et pour les aficionados de voltige aérienne (j’en fais partie aussi !!), l’excellent John J. Nance (Projet Méduse - à mon avis un des tout meilleurs techno-thrillers de ces vingt dernières années -, L’horloge de Pandora, Black-out, etc...)

4/ FF : Je crois savoir que votre manuscrit a voyagé chez quelques éditeurs avant d'arriver aux éditions Critic. Je suis curieux de savoir ce que les autres éditeurs vous ont dit pour refuser cette histoire... Et comment s'est passée la rencontre avec votre éditeur chez Critic ?

AT : « Quelques éditeurs », ça tient de la litote... en fait j’ai soumis le manuscrit à une vingtaine de maisons d’éditions différentes : la première fournée c’était juste après avoir terminé mon pensum, vers juin 2011. Par naïveté ou par optimisme, comme on voudra, j’avais sélectionné uniquement des grosses pointures dans le domaine du roman d’action, tous genres confondus (pour les situer, c’est facile : c’est ceux qu’on trouve en tête de gondole dans les Relay, ou au rayon librairie d’Auchan !). Ensuite j’ai attendu... attendu... attendu... (bon, j’étais au courant pour les délais, mais à l’usage c’est dur quand même). Résultat des courses au bout de quatre mois :
- deux éditeurs (et non des moindres !) ont simplement accusé réception du manuscrit, et par la suite je n’en ai plus jamais entendu parler (quoi ? vous voulez des noms ?? dans vos rêves, oui... je n’ai pas envie d’hypothéquer l’avenir !!!) ;
- pour la plupart, c’était le refus standard (du style « Votre travail a des qualités indéniables mais malheureusement nous ne sommes pas en mesure de le publier »), en règle générale sur un formulaire-type (parfois une photocopie d’une photocopie d’une photocopie !) où ils se contentent d’inscrire le numéro d’ordre de votre manuscrit et, éventuellement, son titre (même remarque que précédemment) ;
- une seule fois, j’ai eu droit à un refus argumenté, sur une page recto-verso - qui plus est, manuscrite - où la directrice littéraire d’une maison d’édition (également non des moindres, on peut même dire du trrrès gros calibre) s’est donnée la peine de dire tout le bien qu’elle pensait de mon œuvre, tout en soulignant certaines de ses insuffisances. Un refus, certes, mais du genre qui vous fait chaud au cœur et qui vous donne envie d’insister...
Deuxième fournée, donc, en octobre-novembre : cette fois je m’étais réorienté vers des éditeurs plus spécialisés dans les littératures de l’imaginaire (notamment SF, parce que je me suis dit, à tort ou à raison, que c’étaient les 5 % de SF que contient Point Zéro qui avaient dû déplaire...) : Bragelonne, l’Atalante, Mnémos et une dizaine d’autres... dont Critic. Là par contre j’ai eu pas mal de réponses et beaucoup d’encouragements, mais c’est Critic qui a dégainé le premier (qu’ils en soient remerciés, encore chapeau les mecs pour la prise de risque !!)

À suivre ICI et .

Merci aux éditions Critic pour la mise en relation, à Antoine Tracqui pour ses réponses extra-ordinaires à l'image de son roman et à Erik Wietzel pour m'avoir mis sur le droit chemin.

Frédéric Fontès

mercredi 4 septembre 2013

Monstres à l'état pur - Miguel Ángel Molfino (Ombres Noires)

Monstres à l'état pur  est le premier livre du romancier argentin Miguel Ángel Molfino. Il sera publié le 25 septembre prochain aux éditions Ombres Noires et traduit par Christilla Vasserot.

Années 1960, province désertique du Chaco, au nord de l’Argentine. Estera del Muerto est un village misérable, personne jamais ne s’y arrête.
Caché sur le toit de la grange familiale, Miro – personnalité paranoïaque, schizophrène et sujet à des crises mystiques – assiste à l’assassinat de ses parents. Après un passage à vide dû au choc et craignant d’être accusé du crime, il les enterre et s’enfuit en stop. Hansen, mystérieux trafiquant d’armes, le ramasse sur le bord de la route. Comprenant que le jeune homme est en cavale, il décide de l’utiliser comme couverture durant sa prochaine livraison d’armes. Mais les crises de Miro se multiplient… Au cours de son périple, il va croiser un avocat véreux et bandit de pacotille, et un policier corrompu chargé de l’enquête sur la mort de ses parents, prêt à tout pour obtenir des aveux…

Frédéric Fontès

lundi 2 septembre 2013

Chronique : À quelques secondes près - Harlan Coben (Fleuve Noir)

Présentation ICI
Le nouveau roman d'Harlan Coben se déroule dans les minutes qui suivent la fin du précédent roman, à quelques secondes près...

Après À découvert, Mickey Bolitar est de retour et poursuit son enquête concernant la mort de son père.

Harlan Coben développe de manière intéressante l'univers du personnage et de ses amis. Cette fois, on a droit à une sorte de coup de projecteur sur Ema.

Dans la style et la forme, malheureusement, c'est toujours aussi balisé. On a de nouveau cette étrange sensation que l'auteur respecte à la lettre la bible de l'écriture de roman à l'attention des adolescents, à croire qu'il s'adresse à des gens qui ont du mal à cogiter. Sinon, pourquoi donne-t-il l'impression d'écrire ses chapitres comme s'il publiait son histoire en épisode ? Trop souvent dans l'histoire, l'auteur répète les enjeux et les antécédents des personnages. Non, en fait, ce n'est pas le bon mot, il ne répète pas, il rabâche. On veut nous faire croire que le publique adolescent qui est visé à besoin de ses repères pour ne pas se perdre dans l'histoire ? Ridicule... Ce formatage est une expérience de lecture un peu pénible et c'est dommage, parce que le livre reste agréable à lire.

On sent que l'auteur garde un paquet d'élément sous le coude et qu'il prend son temps pour les introduire dans son intrigue. À quelques secondes près promet sa nouvelle dose de révélation et nous donne rendez-vous l'année prochaine pour la suite.

Frédéric Fontès, 4decouv