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Depuis que je dévore des livres, et des films, je me suis souvent posé la même question : qu'est-ce qui fait de bons personnages dans un livre ou un film ? Je ne m'en cache pas : j'ai souvent besoin d'avoir de bons personnages pour ensuite pouvoir apprécier une bonne histoire. Je suis bien plus indulgent avec l'un que l'autre. Et j'ai rarement l'occasion d'apprécier l'inverse.
Et donc, qu'est ce qui fait selon moi un bon personnage ?
La réponse, je l'ai trouvé grâce à un de mes films cultes, que j'ai vu et revu des dizaines de fois : Alien, réalisé par Ridley Scott et écrit par Dan O'Bannon.
Qu'est-ce qui fait de Ripley, Brett ou Parker des personnages bien campés, bien ancrés dans les couloirs du Nostromo ? Pourquoi sont-ils si rapidement attachants ?
Parce que ce qu'on leur insuffle ce supplément d'âmes qui représente selon moi 80% de la caractérisation d'un personnage : ses routines.
Ripley, Brett et Parker rendent crédibles les décors du Nostromo, car ils l'habitent avec leurs rituels, leurs routines, leurs habitudes. Ces petites choses d'apparences toutes simples mais qui permettent au personnage de se développer en quelques pages, ou quelques minutes. Quand ils bricolent et qu'ils entreprennent des réparations, quand ils se chamaillent, quand ils mangent, quand ils posent leur main sur un mur, ou qu'ils actionnent des mécanismes de leur environnement, ils nous font entrer dans leur quotidien en un claquement de doigt.
Et c'est l'instrument qu'utilise Victor Guilbert, pour nous présenter le héros de sa série de romans, Hugo Boloren (Hugo B./Hugo Éditions ?). L'auteur nous offre son personnage avec trois routines : la première gorgée de bière (si vous ne connaissez pas, je vous invite à vous ruer sur La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Philippe Delerm) ; la bille ; et les carrés de chocolat.
Dès les premières pages de Douve, Victor Guilbert nous prend par la main pour ne la lâcher qu'à la dernière page de son histoire. En me rendant Hugo Boloren si attachant, grâce à ces quelques trucs de "romagicien", il fait la promesse de m'offrir un voyage que je n'oublierai pas.
J'ai lu Douve essentiellement dans le métro. Et il fait partie de ces livres qui deviennent à leur tour un rituel. J'arrive sur le quai, j'ai le livre en main. Je descends du métro, je le range. J'attends le prochain moment où je vais pouvoir ouvrir le livre. Je m'installe sur un strapontin pour 12 ou 2 stations. Je le range. Je reprends l'histoire au chapitre suivant. Je l'abandonne avant une journée de boulot. Je le retrouve à l'issue.
J'aime bien cette mise en abyme qui donne naissance au paradoxe du lecteur : d'un côté les rituels du héros ; de l'autre, ceux du lecteur. Lesquels nourrissent l'autre ?
Je vous invite à y réfléchir, en commençant par déguster un carré de chocolat.
Frédéric Fontès, www.4decouv.com
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