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Les dernières pages du nouveau roman de Robert Goolrick sont bouleversantes et marquantes, à l'image d'une montée en puissance qui prend son élan dès les premières pages du livre.
« Je vais vous raconter une histoire. »
Les plus beaux contes commencent par "il était une fois". L'aventure d'une chanson ou d'un roman débute souvent avec un titre qui vous envoûte dès que vous en prenez connaissance. Un peu comme Une Femme simple et honnête, Féroces et Arrive un vagabond. Ce dernier titre choisi pour la traduction française des éditions Anne Carrière est assez éloquent en la matière.
Encore une fois (je l'évoquais déjà après ma lecture d'une Femme simple et honnête) il crée ici une sorte d'écho à l'histoire d'Amelia Evans, héroïne de la romancière Carson McCullers que l'on découvre dans la Ballade du café triste. Un peu comme si ces romans évolués dans un univers commun.
On y respire les premières flagrances d'une mélancolie et d'une passion enivrante, qui va de fil en aiguille nous oppresser. Ce parfum ne nous quittera jamais et il persistera au-delà de notre lecture. Ces trois mots, arrive un vagabond, sont le point de départ d'une histoire retentissante, le moment où les choses semblent encore figées. Comme dans une histoire racontée oralement, c'est le moment où l'on prend une grande respiration avant d'aborder l'un des éléments déterminant de l'histoire. Comme une ponctuation dans la présentation du cadre. L'arrivée de l'incarnation du destin. Le Destin de Brownsburg, avec deux valises.
Arrive un vagabond est une histoire que l'on a tous pu connaître dans nos vies. Celle d'un amour qui nous habite soudainement sans prévenir et qui nous quitte sans aucune promesse d'avenir. Cette passion amoureuse consumant Charlie et la belle Sylvan, va hanter la vie de ses acteurs et témoins. Un coup de foudre qui rassemble deux âmes abîmées et fait de nous des témoins privilégiés, comme le deviennent les fabuleux personnages secondaires de l'histoire tel que le petit garçon Sam et ses parents, la formidable couturière Claudie et même le chien Jackie.
Robert Goolrick ne se contente pas d'habiller ses personnages. Avec l'efficacité qu'on lui connait, il leur insuffle la vie et les nourrit pour les faire grandir. Il évoque des gens simples qui aspirent à vivre sobrement en s'efforçant de profiter des jolies choses mises à leur disposition. Il va dès le début brandir au dessus de leurs têtes une immense épée de Damoclès. Une menace perceptible en début de roman tel une simple brise, annonciatrice d'une grande tempête à venir.
Comme dans ses précédents livres, Robert Goolrick évoque le romantisme et la poésie des choses simples avec des mots simples. Une écriture qui devient partition, où chaque mot devient une note. Une symphonie à la fois magique et tragique, qui délivre dans sa dernière partie un crescendo, une montée orchestrale qui va tout souffler sur son passage, brutalement s'arrêter en nous laissant groggy, sonné, et seul.
J'ai rarement éprouvé cette sensation de lire et donc de vivre une œuvre capitale, et j'ose l'écrire, monumentale. La précédente fois, c'était avec le magnifique Julius Winsome de Gerard Donovan.
Quand je referme Arrive un vagabond, je comprends sans aucun doute possible, que j'ai en main un livre qui a vocation à devenir le joyau des bibliothèques de mes contemporains. Dès maintenant et pour les années à venir.
Frédéric Fontès
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