Déjà dans le roman Retour à Redemption de Patrick Graham, l'intrigue se déroulant dans le passé des personnages avait pour cadre un effroyable camp de redressement pour mineurs.
Le hasard des sorties du mois de mars nous offre la possibilité de découvrir l'histoire de ces enfants du malheur via un ouvrage documentaire, Enfants du malheur ! signé Henri Danjou et ainsi que les deux premiers tomes de la bande dessinée signés Laurent Galandon et Anlor pour les éditions Bamboo, Innocents coupables, dont la seconde partie est disponible depuis début mars.
En 1932, Henri Danjou révélait dans son ouvrage Enfants du malheur ! Les Bagnes d'enfants (Albin Michel) les effroyables conditions de vie des enfants confiés au système carcérale. Les éditions La Manufacture de livres nous permet de re-découvrir ce récit coup de poing, qui sera de nouveau édité le 29 mars prochain.
Comme l'indique la présentation de l'éditeur ci-dessous, le terrible récit d'Henri Danjou et la révolte des enfants du bagne de Belle-Ile-en-Mer avaient inspiré un poème à Jacques Prévert, Chasse à l'enfant, que vous pouvez lire ICI.
Le livre allie la verve d'un Henri Charrière à la description précise et brutale d'un Belbenoit. Deux auteurs qui ont eu l'occasion de revenir sur le calvaire des bagnes de Cayenne, dédiés aux adultes. Une nouvelle occasion pour nous de découvrir la férocité des cadres de cette monstrueuse machine à broyer des vies. Malheur à ceux qui s'y trouvent piégés en son sein...
Jacques Prévert s'était inspiré d'une triste réalité : le témoignage d'Henri Danjou sur les colonies pénitentiaires réservées aux enfants publié en 1932. La discipline y était draconienne. Le silence absolu obligatoire. Henri Danjou, écrivain reporter, retrace l'histoire de lieux maudits nommés colonies pénitentiaires, maisons de redressement, maisons de correction. A la colonie du Luc (Gard), à celles de la Loge (Cher), du Mont Saint-Michel (Manche), d'Aniane (Hérault), Belle Ile en Mer, Cadillac (Gironde), Doullens (Sommes), Chanteloup (Yvelines), Mettray (Indre), partout la même férocité, quel que soit l'époque ou le régime. Les premières maisons d'incarcération du XVIIIe siècle offraient un cadre qui dépasse l'imagination. Si l'amputation de la main pour les parricides fut abolie en 1832, la liste des supplices restait longue. Qui punit-on dans ces établissements ? Des mineurs coupables de vols, souvent des vols alimentaires ou se livrant à la prostitution. Ceux que les pouvoirs appellent les " classes dangereuses ". Les vagabonds et tous ceux qui échappent au contrôle des familles, des patrons et du clergé sont dans le collimateur. Ils ne sont pas les seuls. Orphelins, pauvres, chapardeurs : dans l'esprit du législateur, si ces gamins ne sont pas encore délinquants, ils le deviendront un jour ou l'autre.
De la promiscuité enfants/adultes où prospèrent toutes sortes de crimes aux règlements monstrueux calqués sur la barbarie militaire, en passant par le sadisme des geôliers, le travail forcé, les oubliettes, les maladies et autres horreurs, les monstruosités sont toujours justifiées au nom de la morale républicaine ou de la religion : la rédemption par la punition. La logique de la répression et de l'enfermement a tellement été contreproductive. et dénoncée par quelques esprits éclairés, que l'évidence de la prévention et de l'éducatif s'est enfin, peu à peu, imposée à la République. Ce témoignage d'abord publié sous forme de feuilleton dans Délabre dans les années 30 est d'une écriture très actuelle. A l'heure où la question sécuritaire revient au galop dans les discours, il n'est pas inutile de se souvenir des heures sombres des dogmatismes moraux et religieux qui bâtirent les tragiques bagnes d'enfants.
Laurent Galandon est un scénariste dont je prend plaisir à suivre le travail depuis L'Envolée sauvage et Gemelos. Avec les Innocents Coupables, les enfants sont une nouvelle fois les acteurs principaux d'un récit qui prend racine dans l'Histoire française, comme avec l'Envolée ou plus récemment Pour un peu de bonheur. Comme à son habitude, le scénariste trouve le parfait illustrateur qui va parvenir à retranscrire à la fois le tragique, la mélancolie mais aussi le lyrisme et la poésie de son script. Et c'est d'ailleurs une illustratrice talentueuse, Anelor, qui met en image cette nouvelle partition de Laurent Galandon.
Janvier 1912. Quatre jeunes parisiens sont conduits dans une lointaine campagne. Condamnés à diverses peines, ils rejoignent la colonie pénitentiaire agricole « Les Marronniers ». Les poulbots vont découvrir et apprendre de nouvelles règles dans ce lieu que l’on appellera plus tard « les bagnes d’enfants ». L’injustice et la violence, mais aussi l’amitié et la solidarité, constituent le quotidien des colons. Jean a ses secrets ; Adrien, ses doutes ; Miguel, ses blessures ; Honoré, un caractère bien trempé… Et nos héros refusent d’être écrasés par le système pénitentiaire. D’autant plus qu’à l’échelle de ce microcosme social, ils ont chacun leurs projets…
Frédéric Fontès
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